Nous remontons ensuite vers le nord, en direction du Niger. Changement progressif de mentalité : après l’intérêt débordant (et décevant aussi) de la grande majorité des béninois pour notre argent, une fois au Niger, nous redevenons des êtres vivants dignes d’intérêt (il faut bien avouer qu’à la longue, ca nous a bien lourdé de n’être que des portefeuilles sur pattes au Bénin : le summum ayant été atteint quand on a pris le bus en direction de Niamey, et qu’un gars voyageant seul m’a demandé 5000 Fr CFA pour changer de place de manière à ce que Phil et moi puissions être ensemble… je l’envoie bien entendu au diable, mais lui renvoie ironiquement la monnaie lorsqu’il sort s’aérer un peu puis revient récupérer sa place près de la fenêtre, où je m’étais temporairement installée… 5000 fr mon frère… finalement, j’ai arrêté la provoc quand il a commencé à vraiment trop s’énerver et que j’ai cru qu’il allait devenir violent). Changement de décor aussi, vers des paysages naturels de plus en plus secs : la forêt verte et dense évolue progressivement en une savane arborée puis en savane plus herbacée. Changement d’architecture également : moins de petites cases coniques au toit de chaume, ici remplacées par des maisons cubiques à toit plat, construites en terre brune. Apparait enfin le fleuve Niger, qui serpente au loin, des falaises de terre rouge en arrière plan : nous y voici, au Niger, un pays qui s’étend aux portes du désert, ce que nous laisse ressentir une chaleur écrasante. Ici, on dépasse largement les 37°C de jour, et les 30 de nuit. Même le Nutella, que nous avons précieusement transporté dans toute l’Afrique, a du mal à supporter et se sépare en 2 phases (beurk.. quoique, c’est l’occasion de se presser de le finir !). Finalement, la douche froide devient un plaisir, même pour la frileuse que je suis.
Coup de cœur pour ce pays envoûtant tellement grand, dont nous ne pourrons malheureusement visiter qu’une très petite partie pour des raisons de sécurité. L’Aqmi (Al Qaida au Maghreb islamique) est ici, comme dans d’autres régions du sahel, hors de contrôle et est responsable de l’enlèvement de plusieurs otages occidentaux. Facile dans un des pays les plus pauvres de la planète et, qui plus est, a perdu ses touristes et l’activité économique qui en résultait suite au soulèvement des touaregs il y a quelques années… Les touaregs et les villageois sans ressource, pourtant bien loin de partager l’idéologie islamiste, n’en sont que plus enclins à vendre leur complicité et le cercle (vicieux) est bouclé ; encore moins de touristes, des membres internationaux d’ONG évacués, plus de gens dans des situations économiques précaires, et donc plus de complices potentiels.
Tourisme hautement déconseillé donc dans une grande partie du territoire. Après maintes hésitations, nous décidons quand même de visiter la région de Niamey, seule région complètement sûre du pays, située non loin des frontières béninoises et burkinabées. Nous passons quelques jours dans cette région, extrêmement paisible dont toute l’activité est regroupée le long du fleuve… Extrêmement pauvre aussi, ce pays étant classé dans les derniers au classement mondial des indices de développement humain et dont plus de 85% des habitants vivent avec moins de 2 $ par jour. Lors d’un trajet en taxi, nous assistons à une distribution de riz à la population, qui nous rappelle l’extrême pauvreté de ce pays et son incapacité à se sustenter sans l’aide des ONG, même en cette fin de saison des pluies… Il faut dire que le Niger n’a pas décroché le gros lot au niveau conditions naturelles : extrême chaleur et extrême sécheresse, désertification, inondations, attaques des récoltes par des criquets… jamais le regard implorant des enfants ne m’aura autant fendu le cœur comme ici, lorsqu’ils tendent leur assiette vide vers le voyageur à chaque descente de bus lors d’un long trajet. Dures réalités que celles-ci, mais qui n’enlèvent par leur sourire aux dents blanches aux gens, qui te répondent toujours positivement ou ‘on n’a pas à se plaindre’ lorsque tu leur poses la question de savoir si ‘ca va aujourd’hui’.
Lors d’une journée ensoleillée (est-il nécessaire de le mentionner ici ?), nous descendons en pirogue et où nous aurons la joie de voir apparaître, en dehors de toute réserve naturelle, des hippopotames en liberté. Quel bonheur de voir émerger à la surface de l’eau les paires d’oreilles, d’yeux et de grosses narines d’une famille d’hippopotames en ballade. Cet animal est protégé et sa chasse proscrite dans les communautés. La pirogue nous débarque à Boubon, un petit village où a lieu chaque semaine un gigantesque marché. A cette occasion, une foule en provenance de toute la région, toutes ethnies confondues, touaregs, peuls, mossis, affluent à pieds, en bus, en pirogue ou à dos de dromadaire… magique. Dans ce pays à large majorité musulmane, les voiles des femmes qui volent rendent à nouveau le lieu des plus colorés. D’un côté du marché se négocient les épices et les grains, de l’autre les bestiaux. Comme dans le reste de l’Afrique de l’ouest, les étales de légumes présentent extrêmement peu de diversité : à côté de l’igname et du manioc, on n’y trouve que la traditionnelle combinaison de tomates, oignons et piments. Phil et moi nous faisons sans cesse la réflexion de oh combien les aliments sont peu variés ici et la nourriture peu équilibrée. On ne comprend pas trop cette absence de diversité étant donné la richesse de la terre (à certains endroits tout du moins). Hormis les traditionnels oignons et tomates, nous n’avons rencontré au cours de notre voyage que de rares avocats, carottes, courgettes, aubergines sur les étals des marchés, mais en de trop rares occasions dans les plats de la cuisine locale, principalement composée de sauce tomate ou d’arachide servie avec un bout de viande (ou de gras viande plus précisément ;-)) et de riz, de semoule ou d’une pâte diverse. Sans compter bien sûr les nombreux beignets, de blé, d’igname ou de haricots, dégoulinants d’huile et qui tentent inlassablement de transformer ma taille en celle d’une mama africaine ! Bref, un manque de diversité, qui se ressent ici dans bien d’autres domaines que la cuisine, tels que les emplois, etc… On en vient à penser que probablement suite à un manque d’éducation, l’africain finit aussi par manquer d’esprit d’initiative, ce qui résulterait notamment en ces commerces complètement identiques que l’on retrouve partout…
On a aussi la chance d’aller faire un petit tour à Kouré, dans une réserve naturelle où déambulent gracieusement les dernières girafes d’Afrique de l’ouest. Suite à la destruction de leur habitat naturel, leur chasse par les habitants et agriculteurs (dont elles sont loin d’être les meilleures amies), les accidents de la route, etc, leur population a été réduite au nombre critique de 50 individus en 1996. Une réserve leur a été créée à Kouré, et les apports financiers apportés par les visiteurs aident les agriculteurs locaux à supporter la présence et les dégâts occasionnés à leurs champs par ces herbivores à long cou. 260 individus évoluent aujourd’hui dans le parc, broutant les acacias, et se laissent approcher à une dizaine de mètres… magique... mais impossible par contre d’approcher de plus prêt, malgré mes nombreuses tentatives, même en tentant leur gourmandise !
Nous partons aussi nous balader le long du fleuve, dans un petit village voisin de Niamey. Des systèmes d’irrigation approvisionnent des rizières d’un vert éclatant, à perte de vue. On se balade tranquillement sur les chemins de terre, très vite rejoints par une ribambelle d’enfants et d’adolescents curieux et joyeux. Comme souvent, nous sommes l’attraction du jour. Ils nous accompagnent tout l’après-midi et nous font découvrir la flore et la faune locales, nous faisant goûter les fruits de différents arbres. Après une bonne petite marche sous le soleil brûlant, ils se jettent à l’eau complètement habillés dans de grands éclats de rire. On finit la ballade plus calmement en admirant le coucher du soleil sur le fleuve.
On passe aussi une soirée dans une boîte mi-expat mi-locaux aisés avec Kossi et Eric, les propriétaires togolais de notre auberge. On s’essaie maladroitement au Coupé Décalé, mais pour ma part, trop de muscles m’ont été oubliés à la naissance en comparaison avec les africaines ! Waw quel rythme et quelle grâce, je reste admirative à chaque fois que je les vois bouger leur corps sur la musique. Le rythme des africains n’est pas qu’une légende, soit ils l’ont dans le sang, soit ils l’acquièrent dès le plus jeune âge sur le dos de leur maman (vu qu’à peine en âge de marcher, ils l’ont déjà). A l’issue d’une nuit sympa, on repasse par l’auberge récupérer nos sacs et on monte dans notre bus en direction du Burkina Faso. C'est parti pour 10 heures de routes et un peu d'angoisse: il y a des coupeurs de routes, bandes armées qui arrêtent les bus et pillent tout ce qu'ont les voyageurs, même de jour... suite à notre problème avec nos cartes visa bloquées, on transporte des sommes non négligeables (on a tiré le maximum possible avant d'être bloqués) donc j'angoisse à mort... A un arrêt s'éternisant un peu, un gars baragouinant le français m'explique que l'escorte militaire qu'on attend n'arrivant pas, on va repartir sans et rouler en convoi de cars, pas hyper rassurant, mais finalement pas de problème, ouf...
Quelques photos sur:
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