Du côté de Ju: Adeta, mon beau village

Du 31 octobre au 27 novembre

L’Européen a une montre, tandis que l’Africain, lui, il a le temps.

Me voilà donc repartie vers le Togo, laissant Phil à Ouagadougou bien occupé par ses contrats de photographe pour l’ONU. Un interminable trajet en bus, étouffant et retardé par un accident bloquant la route (comme il se doit ici :-), m’emmène jusqu’à Lomé. Je retraverse des paysages connus en sens inverse, la savane désertique devient de plus en plus arborée au fil des kilomètres parcourus, jusqu’à ce que le vert de la végétation tropicale explose avant d’atteindre l’océan et sa douce fraicheur à Lomé.

Le temps de remplir quelques petites formalités administratives, et nous voilà, moi et Patrick, un autre volontaire, filant dans un taxi brousse en direction d’Adeta, le village où notre association travaille actuellement. Adeta est un petit village de 12000 habitants, entouré de collines verdoyantes et de plantations d’ignames, de haricots, de café, etc… C’est un village africain des plus classiques, écrasé sous le soleil brulant. Il s’organise autour de sa route principale, bordée de cahutes aux toits de paille ou de tôle procurant de l’ombre aux petits vendeurs d’eau ou de jus de bissap en sachets, de bananes, de beignets, ou du traditionnel et invariable étal de tomates, oignons et piments, ou encore aux tatas proposant dans leurs casseroles du riz sauce ou de la pâte (le plat local constitué d’igname pilé ou de maïs moulu et qu’on mange avec une sauce). Au loin, on entend la musique résonner, tout le temps, partout. Une multitude de pistes de latérite et de petits sentiers tranquilles partent de la route en direction des fermes et des champs entourant le village. Comme tout bon village, Adeta a ses écoles (3 !), son dispensaire, ses latrines en périphérie, ses 50 coiffeuses tresseuses (ayant chacune leurs apprenties) et ses innombrables garagistes, conducteurs de taxi moto, couturières et tailleurs. Les femmes aux pagnes colorés y déambulent tranquillement, droites comme des i, leurs bébés en écharpe et un incroyable empilement de bric-à-brac dans la marmite en équilibre (toujours stable) sur leur tête. Au passage des volontaires blancs, les petites voix des enfants rabâchent encore et toujours leur éternel refrain « Yovo Yovo bonsoir, ça va bien, merci », dans des explosions de rires cristallins. Et des enfants ici, il y en a des centaines, des milliers, ils courent partout et égaient la vie. Les moutons, chèvres, poules, poussins punks (peints en bleu fluo pour échapper à l’œil vif des rapaces) courent partout. Le lundi, c’est l’effervescence du marché, et chacun vient boire sa calebasse de tchoukoutou (la bière de mil locale) en riant avec son voisin. Bref, le village africain classique. Tout n’est pas rose, bien entendu, ca reste l’Afrique. La pauvreté est omniprésente. Les enfants vendent leurs bricoles au lieu d’être à l’école. Des filles-mères promènent leur enfant en écharpe. Les gens malades, ruisselant de sueur paludique ou à la toux rauque, sont bien trop nombreux. Des décharges à ciel ouvert jonchent les bords de routes et les abords de maisons. Les sacs plastiques noirs ornent les branches des arbres tels des décorations de noël. Mais malgré la pauvreté, la maladie, la crasse et la puanteur, même s’ils souffrent comme ils le disent parfois, rien n’affecte le moral de fer des Africains et ne leur enlève leur sourire aux dents blanches.

Je suis venue ici dans le cadre de l’établissement d’un programme de sensibilisation VIH-SIDA-IST à Adeta. Le taux de prévalence HIV s’élève ici de 3.9 à 20% (!!!) selon les sources (statistiques officielles du gouvernement, médecin en chef du centre médico-social, sage femme spécialisée dans HIV, et responsable croix rouge). Tout le monde s’accordant sur le fait que le premier chiffre est d’office une large sous-estimation. Soit un partenaire sexuel sur 20 ou sur 5, c’est de toute manière trop. Dans l’assoc, nous sommes un total de 5 volontaires européens, avec Servane, Patrick, Nunzio et Coralie. Il y a aussi les membres togolais de l'assoc : Jacqueline, la secrétaire et trésorière, enceinte de 8 mois ; Ouga, un jeune togolais de 21 ans, motivé et impliqué dans l’assoc ; Olivier, un ancien responsable de l’assoc qui ne manque jamais de venir examiner le contenu de nos casseroles ; et Benjamin, le responsable des projets sensibilisation HIV et microcrédit, qui fait office de sage et est très respecté ici. Le programme sur lequel je travaille est de mettre en place un programme HIV dans le village et alentours, programme qui devra rester en place après notre départ, les autres volontaires restant au minimum 2 mois, et au maximum 6. Il y a de quoi voir venir et assurer la continuité. Afin de mieux comprendre les habitudes locales susceptibles d’avoir des conséquences sur la transmission du virus (pratiques sexuelles, scarifications, excision), nous commençons par passer des heures dans la cour, à l'ombre, à discuter avec les locaux, surtout des jeunes de 15 à 25 ans. C'est très tranquille et une relation humaine enrichissante s'établit à force de se voir quotidiennement… Nous avons ainsi pu créer un jeu de cartes avec de bonnes et de mauvaises pratiques pour sensibiliser aux pratiques dangereuses au niveau de la transmission du VIH... c'est marrant, ce genre de travail ressemble un peu à ce que je faisais à l'institut des sciences naturelles, je me sens à l'aise et expérimentée. Nous avons ensuite commencé la tournée des apprentis coiffeuses; couturières, menuisiers, garagistes etc… un moyen de toucher les jeunes ailleurs qu'à l'école. Nos causeries, telles qu’on les appelle ici, attirent des villageois curieux qui viennent se greffer à l’assemblée. Nous sommes ébahis par le nombre d’idées reçues complètement fausses véhiculées ici, et de la méconnaissance qu’on les jeunes filles de leur propre corps. Nous répondons le plus souvent à des questions d’éducation sexuelle de base (par exemple sur les changements subis par le corps à l’adolescence, ou la contraception), satisfaits de l’intérêt suscité et que les jeunes osent nous les poser. Nous créons une permanence hebdomadaire pour permettre aux plus timides de poser ces questions en toute discrétion.

Dans ce village, les journées s’écoulent tranquillement, en l’absence de tout stress, un fléau typiquement occidental (des fléaux, ils en ont déjà bien assez ici !). Une tranquillité et une douceur de vivre difficile à décrire et à se représenter depuis l'Europe je pense. Loin de nous le rythme effréné de l’Europe, l’enchainement furieux du métro-boulot-dodo-famille-potes-fiesta qu’on vit chez nous. Ici, on prend le temps, le temps de causer de tout et de rien, avec des inconnus, de palabrer des heures durant sous l’arbre au milieu de la cour ou sur un banc le long des maisons…. Au début de mon séjour en Afrique, j’aurai qualifié ce rythme comme étant une « attente que cela passe » mais aujourd’hui, après 3 mois sur ce continent, je me rends compte du caractère oh combien humain de ce rythme et du temps pris à discuter et échanger. Je me rends compte ici qu’on ne peut aimer l’Afrique en la sillonnant de droite à gauche. Pour la comprendre et l’aimer, rien de tel que de rester à un seul et unique endroit, de commencer à faire partie du paysage local, et de lui consacrer du temps. Comme Coline me l’expliquait, l’amour de l’Afrique s’exprime au travers de toute une série de petits moments sans importance réelle, des souvenirs attachants et qui deviennent inoubliables. C’est Jacqueline, la douceur incarnée, qui m’accompagne au marché pour choisir un pagne. C’est écouter Benjamin faire le programme le lundi matin, avec sa douce façon de parler toute africaine, dans un style très officiel et en détachant bien ses mots, empreints de sagesse. C’est rire face au show d’Olivier, qui ne manque jamais de nous rappeler les citations des grands de ce monde et d’en faire une imitation théâtrale. C’est voir briller les yeux de Ouga aussi fort que ses dents lorsqu’on prononce le mot pâte en parlant du prochain repas. C’est le petit François, 10 ans, qui passe nous voir de temps en temps et m’esquisse soudain un portrait en 2 temps 3 mouvements. C’est son sourire timide lorsqu’on lui offre un papier et un crayon pour qu’il puisse développer son don. C’est les bons repas partagés tous ensemble autour de la table, merci à nos cuistots attitrés, Jacqueline et Ouga. C’est mes longues conversations avec Chantal, 20 ans, une petite de 3, bientôt partie au Ghana pour travailler. C’est pouvoir percer avec elle les barrières des tabous. C’est la voir danser comme une déesse au son des djembés et rire aux éclats. C’est l’angoisse partagée avec Servane, lorsqu’au milieu de la nuit, on entend une clé tourner dans la serrure de notre porte et que, prêtes à nous battre pour nous défendre, on se rend compte que ce n’est que Georgi, la folle du village, ouf. C’est être tous ensemble autour du mortier, quand chacun s’essaie à piler l’igname et rire de la maladresse des européens dans ce domaine face à cette pâte collant au pilon. C’est la petite Martine, 4 ans et pleine d’énergie, qui vient jouer avec moi et semble fascinée par mes cheveux (blonds et lisses, vous imaginez ?) ou mes colliers. C’est aussi quand elle toque à ma porte à 6h00 le matin de mon départ (hum) pour m’apporter un sac d’oranges (adorable). C’est les volontaires qui harcèlent Ouga pour être sûr qu’il a bien été au collège et qu’il a fini ses devoirs.

J’ai beaucoup aimé ma vie ici, cette expérience enrichissante et profondément humaine, malheureusement trop courte à mon goût. Voici maintenant le temps de quitter Adeta, ces 3 semaines ont filé à une vitesse incroyable. Je pars un peu comme une voleuse, sans m’attarder sur les adieux, mais après une fiesta d’au revoir mémorable au son des djembés et bien arrosée de sodabi (l’alcool de palme local, qui fait un bon 70°C au moins… un désinfectant quoi, pwaaa ! mais on s’y fait). Je reprends la route, en compagnie de Servane en direction de Lomé (et d’un bon steack haché frites ketchup mmmmmmh), puis pars vers Ouaga où Phil m’attend pour de nouvelles aventures au Burkina !

et pour agrémenter le récit, voici quelques photos... mais soyez indulgents, cette fois, je n'avais pas mon photographe professionnel attitré avec moi!

http://www.facebook.com/album.php?aid=231164&id=591557223&l=47036ef293

Burkina: chacun sa route, chacun son chemin...

Nous voici actuellement au Burkina Faso, où Phil a trouvé un contrat de photographe volontaire pour les nations unies. Si si, l'ONU, rien que ca, une opportunité unique pour sa carrière. Il va couvrir les évennements et les missions des différentes organisation de l'ONU oeuvrant ici UNICEF, PNUD, ...), et va parcourir le pays à leur côtés.

Rien pour moi, séjour trop court pour un bénévolat aux nations unies ou en ONG, il aurait idéalement fallu un minimum de 3 mois. Par contre je peux choisir de les accompagner dans leurs missions... Mais j'ai aussi trouvé une place sur un chantier international au Togo: une sensibilisation HIV SIDA IST dans un tout petit village du sud ouest, Adeta.

Partir, une décision difficile à prendre, car elle impliquait 3 semaines l'un sans l'autre dans un voyage que nous voulions à 2. Mais quelques complications bien bureaucratiques et administratives à l'ONU, agrémentées d'ennuyeux coktails et conférences à accompagner Phil à ses contrats auront vite raison de moi, malgré la piscine et les délicieux restos où nous passons nos après-midi et soirées. Une chose est sûre, je ne suis pas venue en Afrique pour cela! J'espère que chantier me permetra de cottoyer l'Afrique rurale et la vie de village, que nous n'avons pas vraiment pu approcher pendant notre séjour ici... le but du travail en ONG, en plus de découvrir le monde du développement, était aussi de vivre le voyage autrement et de nous poser quelque part plutot que de tout survoler en vitesse... et peut etre de devenir des visages connus dans une petite communauté et approcher la population autrement...

Ma décision est prise: Let's go to Togo! Phil et moi nous retrouverons au Burkina fin novembre pour un peu de tourisme avant de vous retrouver à Bxl àpdu 11 décembre. C'est l'estomac un peu noué que je monte dans mon bus me conduisant vers Lomé, mais je retouve mon assurance au fur et à mesure que les paysages redéfilent en sens inverse: je suis en terrain connu, les Togolais sont bienveillants et attentionnés. A une pause du bus, je vais vers les toilettes avec 2 femmes burkinabées. Comme toutes africaines jamais gênées et plutot directes, elles sont ébahies lorsqu'elles me voient ressortir de la cabine apres un temps que je qualifierai de "normal" et me posent toutes sortes de questions. Dans un premier temps je ne comprend pas leur stupéfaction, il me faut quelques secondes pour réaliser qu'elles sont probablement excisées et infibulées, ce qui implique une durée considérablement plus longue pour uriner par le trou laissé par la couture. Quelle horreur, et dire que la majeure partie des femmes ici sont ainsi mutilées pendant leur enfance! J'en frémis encore! A ce propos, nous avons rencontré à Ouaga Jean-Luc, un belge qui oeuvre à combatre cette pratique ici en Afrique de l'ouest. Il réalise avec l'ONG Respect toutes sortes de films destinés à sensibiliser la population et faire comprendre que ce n'est en rien une pratique attribuable à la religion, et les conséquences de cette pratique. Ils ont même réussi à obtenir le témoignege d'un imam respécté selon lequel cette pratique n'a rien à voir avec les écrits du coran, qui a fait un tolé lors de sa diffusion radio télévisée au Mali. La lutte contre ce fléau est malheureusement loin d'etre finie, la tradition tient ici une place d'une extrème importance, parfois difficile à comprendre pour nous autres européens.

Détours nigériens

11 au 17 octobre 2010

Nous remontons ensuite vers le nord, en direction du Niger. Changement progressif de mentalité : après l’intérêt débordant (et décevant aussi) de la grande majorité des béninois pour notre argent, une fois au Niger, nous redevenons des êtres vivants dignes d’intérêt (il faut bien avouer qu’à la longue, ca nous a bien lourdé de n’être que des portefeuilles sur pattes au Bénin : le summum ayant été atteint quand on a pris le bus en direction de Niamey, et qu’un gars voyageant seul m’a demandé 5000 Fr CFA pour changer de place de manière à ce que Phil et moi puissions être ensemble… je l’envoie bien entendu au diable, mais lui renvoie ironiquement la monnaie lorsqu’il sort s’aérer un peu puis revient récupérer sa place près de la fenêtre, où je m’étais temporairement installée… 5000 fr mon frère… finalement, j’ai arrêté la provoc quand il a commencé à vraiment trop s’énerver et que j’ai cru qu’il allait devenir violent). Changement de décor aussi, vers des paysages naturels de plus en plus secs : la forêt verte et dense évolue progressivement en une savane arborée puis en savane plus herbacée. Changement d’architecture également : moins de petites cases coniques au toit de chaume, ici remplacées par des maisons cubiques à toit plat, construites en terre brune. Apparait enfin le fleuve Niger, qui serpente au loin, des falaises de terre rouge en arrière plan : nous y voici, au Niger, un pays qui s’étend aux portes du désert, ce que nous laisse ressentir une chaleur écrasante. Ici, on dépasse largement les 37°C de jour, et les 30 de nuit. Même le Nutella, que nous avons précieusement transporté dans toute l’Afrique, a du mal à supporter et se sépare en 2 phases (beurk.. quoique, c’est l’occasion de se presser de le finir !). Finalement, la douche froide devient un plaisir, même pour la frileuse que je suis.

Coup de cœur pour ce pays envoûtant tellement grand, dont nous ne pourrons malheureusement visiter qu’une très petite partie pour des raisons de sécurité. L’Aqmi (Al Qaida au Maghreb islamique) est ici, comme dans d’autres régions du sahel, hors de contrôle et est responsable de l’enlèvement de plusieurs otages occidentaux. Facile dans un des pays les plus pauvres de la planète et, qui plus est, a perdu ses touristes et l’activité économique qui en résultait suite au soulèvement des touaregs il y a quelques années… Les touaregs et les villageois sans ressource, pourtant bien loin de partager l’idéologie islamiste, n’en sont que plus enclins à vendre leur complicité et le cercle (vicieux) est bouclé ; encore moins de touristes, des membres internationaux d’ONG évacués, plus de gens dans des situations économiques précaires, et donc plus de complices potentiels.

Tourisme hautement déconseillé donc dans une grande partie du territoire. Après maintes hésitations, nous décidons quand même de visiter la région de Niamey, seule région complètement sûre du pays, située non loin des frontières béninoises et burkinabées. Nous passons quelques jours dans cette région, extrêmement paisible dont toute l’activité est regroupée le long du fleuve… Extrêmement pauvre aussi, ce pays étant classé dans les derniers au classement mondial des indices de développement humain et dont plus de 85% des habitants vivent avec moins de 2 $ par jour. Lors d’un trajet en taxi, nous assistons à une distribution de riz à la population, qui nous rappelle l’extrême pauvreté de ce pays et son incapacité à se sustenter sans l’aide des ONG, même en cette fin de saison des pluies… Il faut dire que le Niger n’a pas décroché le gros lot au niveau conditions naturelles : extrême chaleur et extrême sécheresse, désertification, inondations, attaques des récoltes par des criquets… jamais le regard implorant des enfants ne m’aura autant fendu le cœur comme ici, lorsqu’ils tendent leur assiette vide vers le voyageur à chaque descente de bus lors d’un long trajet. Dures réalités que celles-ci, mais qui n’enlèvent par leur sourire aux dents blanches aux gens, qui te répondent toujours positivement ou ‘on n’a pas à se plaindre’ lorsque tu leur poses la question de savoir si ‘ca va aujourd’hui’.

Lors d’une journée ensoleillée (est-il nécessaire de le mentionner ici ?), nous descendons en pirogue et où nous aurons la joie de voir apparaître, en dehors de toute réserve naturelle, des hippopotames en liberté. Quel bonheur de voir émerger à la surface de l’eau les paires d’oreilles, d’yeux et de grosses narines d’une famille d’hippopotames en ballade. Cet animal est protégé et sa chasse proscrite dans les communautés. La pirogue nous débarque à Boubon, un petit village où a lieu chaque semaine un gigantesque marché. A cette occasion, une foule en provenance de toute la région, toutes ethnies confondues, touaregs, peuls, mossis, affluent à pieds, en bus, en pirogue ou à dos de dromadaire… magique. Dans ce pays à large majorité musulmane, les voiles des femmes qui volent rendent à nouveau le lieu des plus colorés. D’un côté du marché se négocient les épices et les grains, de l’autre les bestiaux. Comme dans le reste de l’Afrique de l’ouest, les étales de légumes présentent extrêmement peu de diversité : à côté de l’igname et du manioc, on n’y trouve que la traditionnelle combinaison de tomates, oignons et piments. Phil et moi nous faisons sans cesse la réflexion de oh combien les aliments sont peu variés ici et la nourriture peu équilibrée. On ne comprend pas trop cette absence de diversité étant donné la richesse de la terre (à certains endroits tout du moins). Hormis les traditionnels oignons et tomates, nous n’avons rencontré au cours de notre voyage que de rares avocats, carottes, courgettes, aubergines sur les étals des marchés, mais en de trop rares occasions dans les plats de la cuisine locale, principalement composée de sauce tomate ou d’arachide servie avec un bout de viande (ou de gras viande plus précisément ;-)) et de riz, de semoule ou d’une pâte diverse. Sans compter bien sûr les nombreux beignets, de blé, d’igname ou de haricots, dégoulinants d’huile et qui tentent inlassablement de transformer ma taille en celle d’une mama africaine ! Bref, un manque de diversité, qui se ressent ici dans bien d’autres domaines que la cuisine, tels que les emplois, etc… On en vient à penser que probablement suite à un manque d’éducation, l’africain finit aussi par manquer d’esprit d’initiative, ce qui résulterait notamment en ces commerces complètement identiques que l’on retrouve partout…

On a aussi la chance d’aller faire un petit tour à Kouré, dans une réserve naturelle où déambulent gracieusement les dernières girafes d’Afrique de l’ouest. Suite à la destruction de leur habitat naturel, leur chasse par les habitants et agriculteurs (dont elles sont loin d’être les meilleures amies), les accidents de la route, etc, leur population a été réduite au nombre critique de 50 individus en 1996. Une réserve leur a été créée à Kouré, et les apports financiers apportés par les visiteurs aident les agriculteurs locaux à supporter la présence et les dégâts occasionnés à leurs champs par ces herbivores à long cou. 260 individus évoluent aujourd’hui dans le parc, broutant les acacias, et se laissent approcher à une dizaine de mètres… magique... mais impossible par contre d’approcher de plus prêt, malgré mes nombreuses tentatives, même en tentant leur gourmandise !

Nous partons aussi nous balader le long du fleuve, dans un petit village voisin de Niamey. Des systèmes d’irrigation approvisionnent des rizières d’un vert éclatant, à perte de vue. On se balade tranquillement sur les chemins de terre, très vite rejoints par une ribambelle d’enfants et d’adolescents curieux et joyeux. Comme souvent, nous sommes l’attraction du jour. Ils nous accompagnent tout l’après-midi et nous font découvrir la flore et la faune locales, nous faisant goûter les fruits de différents arbres. Après une bonne petite marche sous le soleil brûlant, ils se jettent à l’eau complètement habillés dans de grands éclats de rire. On finit la ballade plus calmement en admirant le coucher du soleil sur le fleuve.

On passe aussi une soirée dans une boîte mi-expat mi-locaux aisés avec Kossi et Eric, les propriétaires togolais de notre auberge. On s’essaie maladroitement au Coupé Décalé, mais pour ma part, trop de muscles m’ont été oubliés à la naissance en comparaison avec les africaines ! Waw quel rythme et quelle grâce, je reste admirative à chaque fois que je les vois bouger leur corps sur la musique. Le rythme des africains n’est pas qu’une légende, soit ils l’ont dans le sang, soit ils l’acquièrent dès le plus jeune âge sur le dos de leur maman (vu qu’à peine en âge de marcher, ils l’ont déjà). A l’issue d’une nuit sympa, on repasse par l’auberge récupérer nos sacs et on monte dans notre bus en direction du Burkina Faso. C'est parti pour 10 heures de routes et un peu d'angoisse: il y a des coupeurs de routes, bandes armées qui arrêtent les bus et pillent tout ce qu'ont les voyageurs, même de jour... suite à notre problème avec nos cartes visa bloquées, on transporte des sommes non négligeables (on a tiré le maximum possible avant d'être bloqués) donc j'angoisse à mort... A un arrêt s'éternisant un peu, un gars baragouinant le français m'explique que l'escorte militaire qu'on attend n'arrivant pas, on va repartir sans et rouler en convoi de cars, pas hyper rassurant, mais finalement pas de problème, ouf...



Quelques photos sur:
http://www.facebook.com/album.php?aid=221838&id=591557223&l=112291532f

Au Bénin, qui ne tente rien...

12 Septembre 2010 au 10 octobre 2010


Une fois la frontière du Togo franchie, nous arrivons en vue du poste frontière du Bénin… soudain, un doute me prend sur la date de notre visa pour le Bénin : vérification faite, effectivement, petite erreur de date, nous ne pouvons officiellement entrer au Bénin que demain. Mais nos passeports sont tamponnés, on est sorti du Togo, la frontière derrière nous ne délivre pas de visa, pas de retour en arrière possible. Oups, bien joué les loulous. Bon, un bic noir, un air sûr de nous et en avant. Phil a en plus la maladresse d’oublier un billet dans son passeport, ce qui éveille les soupçons du douanier, qui (même si il ne voit rien au petit changement effectué) croit qu’on veut le corrompre et se fâche un peu… un beau sourire et ça passe, le douanier n’y voit finalement que du feu et nous laisse passer… tututuduuu, « Bonne arrivée ! » comme on dit ici.
Un taxi brousse neuf places (qui en devient un 14), 357.000 km au compteur (à l’arrêt et probablement arrêté depuis 150.000 autres km vu l’état de la voiture, une espèce de carcasse à moteur) nous conduit vers Djougou par une piste défoncée… les pluies ont été particulièrement rudes cette année, et ont emporté toute la latérite ne laissant sur la « route » que la roche brute en escalier par endroits.
Le taxi brousse nous dépose dans le centre ville face à un marché incroyablement coloré… Dans cette ville à large majorité musulmane, les voiles des femmes volent dans leur sillage dans un superbe festival de couleurs, entre le rouge et le vert des étals de légumes, c’est splendide. Nous logeons au centre de formation des tisserandes de Djougou et proposons à la directrice de réaliser un reportage sur celui-ci, avec un texte et des photos qui lui permettront de créer son site internet. Elle est immédiatement emballée et nous propose d’élargir le sujet à d’autres artisans partenaires, un forgeron, un maroquinier, un cordonnier et une graveuse sur calebasse. L’ouverture d’un centre des artisans est prévue à Djougou 3 mois plus tard et les photos viendront à point. Nous restons donc à Djougou pendant une semaine, et visitons les artisans les uns après les autres, qui réservent un accueil très chaleureux aux Batourés que nous sommes ici… le Bénin commence bien, Phil est aux anges : on le prie de s’adonner à sa passion de la photo au lieu de l’en réprimander ! Nous sommes impressionnés par la souplesse religieuse qui règne dans cette région : ici, le musulman vit sa religion comme il l’entend, rien ne lui est imposé par le jugement d’autrui : il prie 5 fois par jour si il le veut, ou pas, les femmes portent le voile si elles (ou leur mari) le décident, etc .... Lors d’une séance photo, les apprenties ont l’idée de défiler vêtues des tissus qu’elles ont tissés… ces musulmanes voilées se mettent alors à se déshabiller, vêtements et soutiens-gorges volent en tous sens, nous laissant bouche-bée, et les voilà prêtes. Nous visitons aussi Taneka Coco, un petit village traditionnel, aux petites huttes coniques en terre et au toit de paille, dont les habitants appliquent encore les anciennes coutumes et s’en remettent à un chef féticheur, qui résout les problèmes de conflits ou d’infertilité par des sacrifices de poulets. A nouveau, l’appareil photo qui habituellement est un frein aux relations humaines en Afrique, en devient un moteur une fois que nous proposons au guide de partager les photos avec le village. Chacun veut son portait, le roi de la région y compris. Même les femmes peuhles avec leur coiffe et leurs parures de colliers et bracelets traditionnels viennent nous demander de leur tirer le portrait.

Une fois les photos remises à leurs destinataires respectifs, nous prenons le bus en direction de Cotonou, 450 km plus au sud. Trajet pénible sur routes défoncées : mes intestins n’ont pas supporté la nourriture mangée la veille dans un boui-boui de bord de route, je suis nauséeuse et ruisselante de fièvre dans le bus surchauffé, le trajet dure évidemment beaucoup plus longtemps que prévu… un des premiers moments pénible du voyage, mais on sait qu’il y en aura d’autres… Arrivés à Cotonou, on constate avec bonheur que notre guesthouse met à notre disposition une cuisine et la neuvième merveille du monde (Val, tu constateras que je me suis rangée à ton système de comptage) : une vraie MACHINE A LAVER généralement introuvable ici! Un peu de confort européen, on est tout heureux de pouvoir lessiver et cuisiner nous-mêmes (sans huile de palme bien entendu), le temps que je me remette un peu.
Le moyen de transport le plus utilisé à Cotonou, comme dans la plupart des villes du Bénin et du Togo est la moto. La plupart des hommes sans emploi ont reconvertis leur véhicule en Zem (moto taxi) et proposent de petites courses dans la ville au milieu d’une circulation dense et chaotique. Mais comme pour tout en Afrique, l’offre dépasse largement la demande et il s’ensuit une chasse effrénée au client potentiel : il suffit de lever une main pour se voir entouré de trois zems aux aguets. A chaque passage, ils te demandent "où où???" (DTC répondraient certains au bout d'un moment ;-). Alimentées pas des carburants provenant de la contrebande nigériane, ces motos émettent un maximum de fumées bleues, sillonnant la ville par milliers, et donnent à Cotonou un aspect enfumé et une atmosphère oppressante, bruyante et puante.

On profite de notre séjour à Cotonou pour visiter Ganvier, un village lacustre situé juste à côté, au fond d’une lagune. Ses habitants vivent essentiellement de pêche, les femmes venant vendre sur la terre ferme le produit de la pêche de leur mari. Les maisons sont construites sur pilotis. On y trouve, en plein milieu du lac, une mosquée, une église et le palais du roi de la région. Comme chaque année, suite aux fortes pluies arrosant le nord du pays, la lagune est en crue. Néanmoins cette année, son niveau est anormalement élevé pour la saison : toutes les maisons sont déjà sous eau en cette mi-septembre, malgré les pilotis, et les habitants décomptent avec désespoir les jours jusqu’à la fin théorique de la saison des pluies. On n’a jamais vu cela ici, on va droit vers une évacuation forcée des habitants du village. Conséquence alarmante et injuste du réchauffement climatique, qui se fait cruellement sentir dans ce petit village à faible émission de CO2, sans électricité et où la plupart des bateaux se déplacent non pas avec un moteur mais à la voile ou à l’huile de bras.

Suite au succès de notre premier reportage photo, nous décidons de continuer dans la même voie et prenons contact avec le directeur de Nature tropicale, une ONG protégeant la biodiversité au Bénin. On commence par une petite visite express de leur musée. Visite insolite en soi, faite en presque-français et avec des informations plus pratiques sur les us locaux que précises au niveau biologiques : « Ca poisson, cher sur marché », « ca hibou, important pour voodoo, on a du pousser pour faire rentrer dans bocal », "ca autruche, mais tête cassée »....Le directeur nous reçoit ensuite avec enthousiasme et nous propose de couvrir les activités de l’ONG à Grand Popo, une plage à l’ouest de Cotonou où elle travaille à la protection des tortues marines contre les activités des pecheurs. Le photographe et la biologiste ne se le font pas dire deux fois… nous voilà partis vers Grand Popo, un village de pêcheurs construit tout en longueur le long d’une belle plage bordée de palmiers. On débarque au Lion Bar, un petit hôtel rasta pas cher en bord de mer, et on y découvre un petit paradis caché. Il est entièrement peint aux couleurs emblématiques rastas, verte, jaune et rouge. Ses murs sont décorés de fresques représentant les points importants de cette culture et les plus célèbres rastas de l’histoire, il y a la chambre Peter, Bob, Zion, Lion, etc… Son resto sert de délicieux plats (végétariens bien sûr) et son bar des cocktails variés (c’est moins rasta ça, mais ça nous plait bien). Confort minime, la douche est toujours froide et les sanitaires toujours communs, mais ses 2 hamacs se balançant au bord de la plage le valent largement.

L’ONG pour laquelle nous sommes venus dans ce petit coin de paradis réaliser un reportage photo, Nature Tropicale, travaille à la conservation de la biodiversité au Bénin. Elle défend ici les tortues marines, qui sont chassées lorsqu’elles viennent pondre sur les plages ou se font piéger dans les filets de pêcheurs. En effet, malgré son statut d’espèce menacée et protégée, la tortue constitue un apport alimentaire ou financier loin d’être négligeable dans cette région très pauvre, et les pêcheurs qui en piègent une dans leurs filets n’ont pas spécialement tendance à la relâcher spontanément. Difficile de respecter la vie animale lorsque la vie humaine est tellement rude. Une petite équipe de bénévoles locaux travaille donc à la sensibilisation et à la surveillance. Le responsable local de l’ONG, Gaston, possède un impressionnant réseau de surveillance qui l’alerte dès qu’une tortue est repérée lors d’un retour de pêche des bateaux, lui permettant de rappliquer au plus vite et de négocier (le plus souvent par la menace des amendes) la libération de l’animal avec le pêcheur concerné. De plus, un important travail de recensement, avec mesures et marquage des individus, est en cours. Les bénévoles patrouillent aussi les plages en fin de nuit, à la recherche de traces de tortues et vérifient que celles-ci repartent bien vers la mer à partir du lieu de ponte. Ils récupèrent les œufs et les incubent jusqu’à éclosion, pour leur éviter de finir en omelette. Un travail qui s’étend déjà sur plusieurs années et a eu des effets positifs visibles sur l’accroissement des populations. Néanmoins, ce travail ne se fait pas sans représailles : un groupe de pêcheurs mécontents a récemment saccagé la maison de Gaston, le laissant sans domicile et avec un sentiment d’insécurité oppressant.

Nous sommes chargés de suivre Gaston dans ses activités. Ce travail se révèle vite être soumis à la mode de travail africaine : après une patrouille de nuit réalisée ponctuellement la première nuit, Gaston retrouve Phil à 4 heures du matin la nuit suivante avec un trop gros mal de tête pour effectuer la patrouille, mais pas assez de crédit (sur ses 3 GSM) pour le prévenir, puis, la troisième nuit, nous téléphone à 2h15 du matin pour connaître l’heure (ses 3 GSM ne devaient pas avoir de fonction horloge) et bien préciser que le rdv est à 4 heures, heure à laquelle il ne se présente pas, mais arrive avec 40 minutes de retard. Il nous prévoit aussi une tournée de sensibilisation auprès des pêcheurs un lundi, jour de congé de ces derniers. Comme souvent en Afrique, il est temps de recadrer la situation et de mettre nos limites. Nous continuons le reportage avec lui dans des horaires qui nous conviennent, répondant à l’appel aux moments, diurnes ou nocturnes, où une tortue se présente mais sans être bloqués par des rdv non respectés. De même d’un point de vue financier : avant même de commencer le travail, il nous demande d’emblée combien on est prêt à verser pour l’ONG ; nous lui expliquons que si nous sommes prêts à rendre service bénévolement et à payer les transports que cela implique, nous ne payerons pas le fonctionnement de l’ONG, et encore moins la reconstruction de sa maison.

C’est malheureusement une réalité très marquée dans ce pays : ici, le blanc rime avec argent, et Yovo avec cadeau. L’approche des gens est dans la plupart des cas d’abord intéressée et se résume à l’attrait de l’argent. Les Béninois essaient systématiquement de se faire un peu d’argent sur notre dos, mais ne gardent pas de rancune lorsqu’ils essuient un refus.

Nous passons le week-end avec Nico (Cousteau pour les intimes du cercle), un ami belge de l’ULB. Il travaille pour un projet de la coopération technique belge à Comé, la ville voisine où il gère la pêche à la crevette sur le lac Ahémé. Petit week-end détente, on profite du soleil, de la plage et il nous fait découvrir les bons petits restos de Grand Popo. On va à la grande soirée rasta du samedi soir du Lion Bar, renommée dans toute la région pour ses bons cocktails et le bon son reggae de Gildas, le patron, aux platines. Comme vous pouvez le sentir, nous avons donc beaucoup de mal à nous arracher de ce petit coin de paradis et à continuer notre périple…

Malheureusement, une fraude effectuée sur nos deux cartes visa nous rappelle à la réalité : elles vont être bloquées dans les jours à venir, nous laissant sans aucun moyen de retirer de l’argent dans cette région du monde où MasterCard n’existe pas. Retour forcé immédiat à Cotonou, car ici, de même que dans les 2 villes voisines, pas de distributeur, et pas de retrait Visa possible au guichet. Nous effectuons à Cotonou une tournée des banques, à la recherche d’un distributeur fonctionnel et approvisionné, que nous trouvons enfin après 5 tentatives infructueuses. Une fois nos bourses suffisamment pleines pour tenir le coup durant les prochaines semaines jusqu’à la livraison de nos nouvelles cartes visa par Europ Assistance, nous fuyons le gros nuage de Cotonou en direction de l’air pur de… Grand Popo. Ben oui, demain c’est samedi, soirée reggae et weekend détente avec Cousteau !

Et les photos:

de Djougou et Taneka Coco:

http://www.facebook.com/album.php?aid=218274&id=591557223&l=93017b93f3

de Cotonou et Ganvier:

http://www.facebook.com/album.php?aid=218572&id=591557223&l=a17acb12be

et de Grand Popo:

http://www.facebook.com/album.php?aid=218584&id=591557223&l=d75e606b5e

Sur les routes du Togo... "Yovo, Yovo, bonsoir"

13/09/2010

Une fois passée la frontière du Togo, on arrive dans une autre Afrique, une Afrique moins développée, plus lente, plus souriante et très accueillante, et où on parle le français (même si au premier contact, on ne reconnait pas directement que c’est du français, mais si si, c’est bien du français, avec un accent afwicain à couper au couteau ;-) ! Les pancartes bordant les routes passent de la promotion des innombrables types d’églises du Ghana à celles des projets de développement du Togo et de sensibilisation au problème du sida. Ici, on passe du statut d’obroni à celui de yovo. Les enfants qui nous voient passer scandent inlassablement leur petit dicton «Yovo, Yovo, bonsoir », nous souriant de toutes leurs dents blanches et nous saluant de la main, les plus petits se cachant derrière les jambes des plus grands. Notre rasta man Sam inspire ici le même respect qu’au Ghana. Le taxi brousse nous emmène de la frontière à une petite ville calme perdue au milieu des collines verdoyantes et des plantations de café, Kpalimé, à partir de laquelle nous nous dirigeons ensuite vers la capitale, Lomé. Dans ces 2 villes, on fait le tour des artisans locaux, de manière à ce que Sam trouve de nouvelles idées pour diversifier l’offre de son magasin de Kokrobite. On y admire des objets artisanaux en provenance de toute l’Afrique de l’ouest : masques en bois, statuettes, peintures, bijoux, un art magnifique et à bas prix, Phil et moi voudrions tout ramener, mais les sacs sont déjà trop pleins, c’est hyper frustrant. On montre à Sam quel genre de produits sont, selon nous, susceptibles de plaire aux touristes européens et d’une taille raisonnable permettant de les rapporter au pays lors d’un voyage. On rigole beaucoup de sa tendance systématique à s’extasier devant les objets les plus hideux à nos yeux d’européens (non pas que nous nous considérions comme des standards, mais qui voudrait d’une poupée vaudoue criblée de clous dans son salon, ou d’une chaise en bois massif aux accoudoirs sculptés en têtes de monstres ?). On passe ensuite quelques jours à Lomé, capitale balnéaire avec une plage bordée de palmiers et jonchée de bateaux de pêcheurs. Baignade interdite, la mer est bien trop dangereuse ici, avec des courants de fonds vous entrainant vers le large… non qu’on en ait vraiment envie vu le nombre de crottes dans un trou rencontrés sur la plage… ici aussi, la plage fait office de toilette publique et on apprend vite à regarder où on met les pieds. On retrouve ici de nombreuses petites touches françaises, notamment au niveau des menus dans les restos, pour le plus grand plaisir de nos papilles gustatives. Quel plaisir de manger un bon vieux steak sauce au poivre, ou un steak haché avec un œuf à cheval, des frites et du ketchup, ou une mousse au chocolat, et j’en passe, après trois semaines de poulet accompagné de fufu ou de riz. Pour notre plus grand bonheur, il y a aussi du vin ! Phil et moi nous faisons un plaisir de faire découvrir à Sam les mets les plus variés de la cuisine européenne (ce qui n’est pas toujours évident avec un végétarien, la fondue bourguignonne proposée par le resto est exclue ;-). Nous dégottons même un pot de nutella dans un supermarché. On se balade tranquillement dans la ville tous les 3, passant du marché des artisans au centre des artisans, puis à la rue des artisans. On imagine de nouveaux modèles de colliers, dont Sam prend bonne note et qu’il confectionnera à son retour au Ghana. A force d’admirer 1001 merveilles d’artisanat, Phil et moi finissons par craquer, et nous voilà avec une énorme amphore de style malien à trimbaler sous le bras pour le reste du voyage (merci Phil, qui la porte la plus grande partie du temps). On visite le marché des fétichistes tous les 3, un peu ahuris face à tout ce bric-à-brac, des poupées vaudoues, des gris-gris, des pierres de tonnerre, toute la panoplie du féticheur, crâne, tête ou corps d’animaux séchés (et l’odeur qui va avec !), qui leur servent à préparer des potions curatives traditionnelles. Surprenant de savoir que la grande majorité des gens au Togo et au bénin utilisent encore de telles pratiques.
Sonne malheureusement l’heure du retour de Sam vers le Ghana et Kokrobite, nous le raccompagnons à la frontière toute proche et c’est le cœur serré que nous le voyons passer de l’autre côté et disparaître dans la pluie qui se met soudain à tomber… pour 3 jours, durant lesquels nous restons bloqués à Lomé en attente de nos visa pour le bénin, mais, bande de veinards, dans le seul hôtel où nous ayons séjourné offrant le wifi. Nous faisons le plein de news et de bonne bouffe avant de reprendre la route vers le nord du Togo, avec les transports locaux bien sûr. Voyager avec les moyens de transports en communs locaux en Afrique est déjà en soi tout un voyage et une aventure… Que ce soit en bus, trotro, minibus, taxi brousse, on adore voyager avec les locaux, on ne s’en lasse pas malgré le manque de confort assuré. L’aventure commence par le simple fait de démarrer… ben oui, le minibus ne démarre que quand il est plein, plein signifiant ici que le nombre de passagers est environs de 25% supérieur à la capacité du véhicule. Une fois en mouvement, le conducteur roule fenêtre ouverte en braillant sa destination et prend toute personne intéressée par un lift dans cette direction. On se retrouve alors à 25 personnes dans un espace prévu pour 14. On a même déjà démarré à 14 dans un simple break (appelé le 9 places), avec un passager en plus du chauffeur sur le siège du conducteur, et ayant tendance en plus à s’endormir et à laisser son pied s’égarer sur l’accélérateur… ce qui lui a valu de hauts cris de la part du chauffeur. Et je ne vous parle même pas de la surcharge sur le toit ! Voyager local c’est un slalom endiablé du véhicule qui fonce entre les trous, trop nombreux, de la route défoncée… quand c’est une route et pas une piste bien sûr (dans ce dernier cas, le véhicule circule simplement sur la voie des trous les moins profonds). Voyager local, c’est Phil et moi dévorons des yeux les paysages qui défilent, riches en scènes de vie : tout comme le Ghana, le Togo est étonnamment vert en cette fin de saison des pluies : la végétation est luxuriante, riche en plantations de cacao, café, manioc, ignames, maïs … une explosion de vert qui contraste avec le rouge vif de la piste ou des murs des maisons des villages traversés. Les paysages du Togo du sud au nord, c’est aussi un étonnant contraste de paysages, allant de zones de cultures luxuriantes et plates, aux petites collines verdoyantes parsemées de petites cases de terre au toit conique de paille, et montagnes séparant des savanes et des champs. Voyager local, c’est le bus qui fonce dans une bonne humeur bruyante, les passagers qui discutent et donnent leur point de vue, tout le monde s’y met, tous ensemble, ca caquette comme des amis de longue date, nous, on n’y comprend rien, c’est en ewe, la langue locale, mais les éclats de rire ou de voix font plaisir... Si nous ouvrons la bouche pour poser la moindre question, ca donne son avis en français, toujours très gentiment et serviablement, avec un petit commentaire en ewe pour ponctuer le tout, assorti d’un « yovo » (le blanc) qui nous fait savoir qu’on parle de nous… Avec la chèvre qui bêle dans le coffre, coincée entre ou sur un amoncellement de sacs… elle n’a pas intérêt à trop la ramener sinon elle finira sur le toit ! Voyager local au Togo, c’est aussi se faire surprendre par la pluie torrentielle, celle qui te détrempe jusqu’aux os en quelques secondes chrono, et penser « flûte, nous avons oublié de mettre nos sacs à dos dans des sacs poubelles avant de les jeter sur le toit du minibus, espérons que la bâche est bien mise (et elle l’était plus ou moins, ouf ! »). C’est aussi constater qu’il manque une fenêtre au minibus, pas celle de notre côté, bande de veinards que nous sommes, et plaindre les pauvres gens qui se retrouvent détrempés jusqu’aux os en 20 secondes chrono, mais qui conservent leur bonne humeur malgré tout. Ca continue à papoter sans râler et en se cachant derrière un sac de riz vide, essayez d’imaginer ça chez nous ! Voyager local, ce sont tous ces petits vendeurs ambulants qui se précipitent sur le bus au moindre arrêt, au péage par exemple, proposant aux passagers des pommes, des sachets d’eau, du pain, des beignets, etc au travers de la fenêtre. C’est aussi le minibus qui fonce comme un dératé pour dépasser les énormes camions surchargés, faisant route en une traîte du port de Lomé vers le Burkina. C’est aussi la route bloquée par un accident d’un de ces camions, la grue est déjà là pour déblayer, tout le monde y va de son petit commentaire et s’indigne sur les conditions de sécurité routière, « mmmh, bravo Togo » (au Bénin, d’où j’écris cette note, c’est « mmmh, bravo bénin ») puis, une fois la route dégagée, tout le monde courre à son véhicule, précipitation un peu ridicule, comme si 30 secondes de perdues comptaient après la demi-heure d’attente ! C’est la panne quasi assurée de ces véhicules bien souvent vétustes, où, pour ouvrir la fenêtre, on demande au chauffeur la seule et unique manivelle du véhicule, qui passe d’une portière à l’autre. Une aventure en soi, moi je vous le dit, souvent drôle et humaine surtout !
Ce qui est impressionnant dans ce pays, c’est l’accueil que ses habitants mettent un point d’honneur à nous faire. C’est par exemple Félix que nous rencontrons à Atakpamé (notre halte suivante, au nord de Lomé), et qui passe l’après-midi à visiter les villages avoisinants avec nous et à discuter. Ce jeune Togolais, père d’une petite fille de 2 ans, travaille à temps partiel (comme tout le monde en Afrique en fait, les temps pleins n’étant qu’une combinaison de plusieurs petits boulots, mais je m’égare) au service social de l’hôpital de la ville. Il a une intéressante conception de la vie et des responsabilités d’un père et aimerait limiter sa progéniture à 2 enfants, de manière à pouvoir pleinement répondre à leur besoins avec son revenu… et voudrait pour ce faire utiliser les moyens de contraception nécessaire. Assez occidental en soi… Ce qui n’est pas tout à fait au goût de sa femme, plus traditionnelle, et bien décidée à laisser cette décision entre les mains de dieu. Doutes et questionnement : comment développer le pays avec des progénitures de 8 à 12 enfants… C’est aussi Bernard, un ancien professeur qui s’est recyclé dans la rénovation de vieilles Vespa, et qui est bien décidé à nous faire faire la tournée de tous les bars d’Atapakmé… C’est aussi Mamoul, que nous rencontrons à Kara, dans le nord du Togo, et qui nous invite à rencontrer sa famille et venir manger la pâte à l’ombre du manguier dans la cour de sa maison en papotant… Nous découvrons cette ville à forte majorité musulmane en sa compagnie. En ce dernier jour de Ramadan, ses habitants s’apprêtent à célébrer l’événement… vêtements de cérémonie, femmes aux voiles de couleur et pailletés, enfants aux yeux peinturlurés de khôl, c’est beau, c’est coloré, ca brille, on adore ! Mamoul nous emmène même à l’église le dimanche… chants gospels et sermons sont au programme, une expérience sympa, même si le sort de chacun est un peu trop dans les mains de dieu à mon goût. Ce sont aussi tous ces Togolais, toujours heureux de faire goûter et partager le tchoukoutou, bière de mil locale que les mamas servent au bord de la route dans une demi-calebasse.
Bref pleins de rencontres dans ce petit pays très accueillant et, nous le constatons au final, sans appât du gain, en dépit de notre méfiance initiale toujours présente, et dont nous tentons d’apprendre progressivement à nous défaire. Pas évident dans une région où, pour la majorité des gens, la peau blanche représente avant tout l’argent et la possibilité d’obtenir un visa pour l’Europe… Si les gens ne me demandent pas 15 fois par jour de les ramener en Europe, c’est peu…L’Europe, ce beau pays lointain où l’argent semble pousser sur les arbres… mais c’est un autre débat, pour une autre fois promis. Un petit pays pas très touristique, mais riche de ses habitants tellement accueillants, ses marchés colorés avec des avocats et des ananas gigantesques, une nourriture « riche » (en huile de palme, ca on peut vous l’assurer), et un (et un seul) semblant de spot touristique en pays tamberma avec ses maisons fortifiées, les tatas.. Un petit pays que nous quittons par le nord-est pour tracer notre route vers le bénin…



Et comme avec les photos, c'est mieux:
http://www.facebook.com/album.php?aid=214088&id=591557223&l=9a19bd46fb

Ghana: on aime/ on aime pas

On aime :

* Les marchands de nourriture de toute sorte qu’on retrouve braillant dans les rues, au marché et aux carrefours, leur bassine sur la tête : yogourts glacés en sachets, cacahuètes, chips de plantain, glace, mini-brochettes, bananes, pommes, eau pure en sachet, take away de fufu.

* les plats locaux : le red red (des bananes plantains frites accompagnées de haricots cuisinés dans une sauce tomate) et le fufu (une espèce de purée de manioc, accompagné de soupe de pâte d’arachide aux tomates, oignons, piments).

* La démarche nonchalante et la stature des femmes, forcées de se tenir bien droites pour maintenir en équilibre leur bassine contenant souvent un impressionnant amoncellement de bric à brac (on a totalisé des poids allant jusqu’à 45 kilos de bouteilles !).

* Le rythme des gens, même des jeunes enfants, qui dansent au moindre morceau de musique.

* Les perruques portées par les citadines sur leurs cheveux naturels

* La grande bouteille de bière Star à se partager

* Les ananas sur la plage de Kokrobite

On n’aime pas

* Les blattes américaines dans la chambre d’hôtel, et les nids de blattes germaniques dans le bus dans le creux des sièges, sous les ceintures et sur les parois.

* La route entre Kumassi et Accra, actuellement en rénovation et remplacée par une piste de boue complètement défoncée

* La musique volume à fond avec les baffles qui crachent

* Le fufu avec des intestins et du foie qui flottent dans une odeur d’abats légèrement écœurante.

* L’internet café où les ordinateurs qui ont skype dépourvus de casque et micro, au contraire des ordinateurs n’ayant pas skype.

* La lessive qui, en raison de l’humidité ambiante, met 4 jours à sécher et finit par puer.

* Les piqures de "gnats' qui couvrent les épaules de Ju après une lessive d’une après-midi sous un arbre.

Ballades nature dans la région du lac Volta

Après un weekend de relaxation à Kokrobite (finalement prolongé en long weekend), nous reprenons la route d’Accra avec Sam. Nous passons une dernière journée dans la capitale frétillante, observant à la tombée du jour ses rues grouillant d’un impressionnant flot ininterrompu de passants colorés, rentrant chez eux après une journée de travail, un sachet en plastique noir à la main… On retrouve ces sachets dans tous le pays, peut-être dans toute l’Afrique, et en ville, en l’absence de tout système de ramassage des déchets, ils finiront inévitablement au bord de la route, ou dans le caniveau à ciel ouvert, ou encore sur l’amoncellement d’immondices à l’arrière des maisons. Ne pouvant nous résoudre à nous dire adieu, nous décidons avec Sam qu’après une semaine passée à 2 Phil et moi, à suivre nos plans et explorer la région du Lac Volta, à l’est du Ghana, il nous rejoindrait pour une excursion de quelques jours au Togo.

Nous prenons la route vers l’est, une région vallonnée parsemée de petites collines. Une fois de plus, je suis impressionnée par le vert de la nature en cette fin de saison des pluies. Les routes sont magnifiques et circulent entre des plantations luxuriantes et de petits villages bien moins développés qu’Accra, à peine pourvus d’un puits et le plus souvent avec bien peu d’électricité. A partir de notre guesthouse perdue au milieu des collines, nous rayonnons vers des villages de montagnes paumés et des ballades au milieu d’une jungle luxuriante. C’est le pays des treks et des chutes d’eau. Les communautés des villages s’organisent pour baliser le trajet, souvent glissant, pour atteindre les cascades et se faire ainsi une petite commission sur le tourisme local. De même, à Tafi Atome, un autre village du coin, les Mona Monkeys, autrefois chassés par les habitants pour leur viande, sont aujourd’hui protégés et permettent d’attirer d’autres singes dans notre genre ;-) Attirés par nos offrandes de bananes, les singes nous approchent et nous bondissent sur les bras. Trop mimis. Des initiatives de ce type se développent de plus en plus dans le pays et permettent de rapporter de petits revenus aux communautés locales. Nous escaladons le Mont Gemi d’où nous avons une vue imprenable sur la vallée et le lac Volta. Ce dernier, le plus grand lac artificiel du monde, a été construit sur le fleuve Volta dans le cadre d’un projet hydroélectrique, non sans conséquences humaines et écologiques (cf http://fr.wikipedia.org/wiki/Barrage_d'Akosombo). Au cours de nos ballades, Phil a le nez (et l’objectif :-) dans les arbres et déniche une abondance surprenante de fruits, fleurs et champignons de toutes sortes. Nous partons ensuite vers Wli, un paisible village proche de la frontière togolaise. Nous pouvons y admirer la plus grande chute d’eau d’Afrique de l’ouest, 400 m au total, formée de 2 cascades. Une ballade dans une forêt peuplée de papillons nous conduit à la cascade inférieure. Les falaises l’entourant sont recouvertes de centaines de milliers de chauves-souris. A la tombée de la nuit, elles prennent leur envol et un flot ininterrompu de mammifères ailés survole le village. Elles constituent aussi une source de protéines essentielle pour les habitants du village, qui ont appris à les chasser. Le lendemain, nous escaladons la montagne vers la cascade supérieure… Montée ininterrompue pendant 2 heures… Pfff, rien n’a changé, je suis toujours aussi sportive et fan des treks qui ne font que monter :-(. Ruisselants de sueur, on arrive enfin en haut… oh super une cascade, encore une ! Heureusement le retour est en descente. ;-)

Sam nous a rejoint à Wli, et nous commençons à avoir une indigestion de chutes d’eau : il est temps de partir ! Nous nous dirigeons, sacs sur le dos, vers la frontière du Togo vers de nouvelles découvertes.

Retrouvez les photos sur http://www.facebook.com/album.php?aid=193776&id=591557223&l=c63d5c03c2

Back to our Ghanean home

Nous partons ensuite vers Kumasi, dans l’arrière pays, cœur de la culture ashanti dont les Ghanéens sont tellement fiers. Nous visitons Kumasi et ses alentours avec un couple de Français, Clément et Faustine. Le marché de Kumasi est le plus grand d’Afrique de l’ouest (selon les Ghanéens tout du moins… selon les Maliens, c’est probablement celui de Dakar). Nous l’observons depuis un toit, et effectivement, il est extrêmement dense et étendu : le marché du midi peut aller se rhabiller ;-) On y trouve tout, fruits, légumes, têtes de poissons séchées, CD, vêtements… Je bave devant les tongs et les sandales Gucci à 1 euro, mais le sac à dos est déjà bien plein ! Nous fêtons mon anniversaire à Kumasi avec Faustine, Clément et Java, un gars du coin rencontré dans la rue. Sous les conseils de ce dernier, nous mangeons à une petite échoppe de rue : DIVIN, la meilleure nourriture africaine jamais essayée : du riz jollof avec des sauces et des légumes au choix, accompagné d’avocats mûrs à souhait, de bananes plantains et de je ne sais quel légume vert proche de l’épinard (celui qu’on retrouve dans le moambe)… le tout délicieusement épicé et dégusté sur les marches de la banque située face à l’échoppe. Nous faisons ensuite escale à un bar pour arroser le tout. Je demande si ils ont des cocktails : à quoi sert de demander, en Afrique la réponse est toujours oui avec le sourire. Le serveur me dit d’attendre et me ramène fièrement une canette de cocktail de fruits… je ris et passe à la bière :-).

Nous visitons aussi les villages d’artisans aux alentours de Kumasi, tisseurs, potiers, très fiers de leur échoppe, et auquel il suffit un « waw, nice shop » d’obroni pour les contenter. C’est parti pour une tournée sourires : on se fait les 200 shops du village, qui vendent tous plus ou moins la même chose, et on arrose de compliments sur le magasin, et on repart en laissant un village ravi. OK, c’est moins compliqué que dans certains autres pays !

Notre havre de Kokrobite nous manque. Notre parcours repassant par les environs d’Accra, nous décidons d’aller y passer le weekend. Back at home (ou presque). On retrouve Sam, qui a terminé son tableau, le calme du jardin protégé des sollicitations permanentes, et toutes nos petites habitudes. On entreprend des travaux pour rendre le petit magasin de Sam plus attractif. Nettoyage et lustrage de ses masques, redisposition des plus beaux sur le mur, stockage de l’excédent à l’arrière, design de colliers facilement vendables. Sam est plein de bonne volonté et ouvert à toutes les suggestions. Une fois le boulot terminé, c’est beau, c’est net, ca brille. Un couple de touristes passent et achètent un masque… espoirs que les affaires, un peu mortes pour le moment, reprennent.

http://www.facebook.com/album.php?aid=182735&id=591557223&l=54585a9b18

Sam Bless Ghana Tours

AOÛT 2010

Nous rencontrons à Kokrobite 2 rasta men, Sam et Bless, qui tiennent chacun leur petit commerce face au Kokrobite Garden où nous logeons. Ces 2 gars ont fait du Rastafari leur religion, devenant végétariens en tressant leurs dreadlocks, et vivent de respect, d’amour, d’eau fraiche, de musique et de ganja. Et sûrement de pas mal de débrouille. Ils sont la bonté et la douceur incarnées, et probablement aussi un peu l’inertie liée à l’abus de fumette ;-).


Sam, 32 ans, tient une petite échoppe et vend des masques et des colliers aux touristes. Il a construit son cabanon de ses mains et l’agrandit progressivement, y ayant même rajouté un étage où il dort. Confort sommaire : pour se laver, il achète 2 fois par semaine un seau d’eau du puits à un voisin plus aisé ; pour aller aux toilettes, il va, comme beaucoup d’autres villageois, «réfléchir sur les rochers». Mêmes choses pour son ami Bless, 27 ans, qui vit dans un réduit de 3 mètres sur 2, situé à côté de la cabane de Sam. Il survit en vendant des poches d’eau potable, récoltant royalement 0.50 cents en en vendant 50. Bref, rien. Pourtant, ce sont toujours les premiers à partager le peu qu’ils ont. Phil et moi nous sentons bien avec eux, sans jamais ressentir une once d’intérêt vis-à-vis de nos portefeuilles d’européens, ce qui n’est pas toujours évident en voyage en pays en développement. Ils se retrouvent dans leur passion de la musique, Bless improvisant des chants sur un air de guitare joué par Sam sur la plage bordée de palmiers. Et ce pendant des heures…

U
n jour, nous louons des vélos et partons tous ensemble découvrir la région. Ils nous emmènent dans un coin de forêt tropicale regorgeant d’oiseaux, d’insectes et, théoriquement, de singes (que nous ne verrons malheureusement pas, vu notre heure d’arrivée un peu trop tardive). Nous partons ensuite avec eux pour un trip sur un bateau de pêcheurs sur une zone de mangroves et de lagons, regorgeant d’oiseaux et exploitée par les pêcheurs du village voisin. Nous faisons un petit arrêt au village, et découvrons leurs maisons construites de branches et feuilles de cocotiers. Juste le temps pour jouer avec les gosses du village sur la plage séparant la rivière de l’océan.





Sam voudrait réaliser un projet plutôt que de se laisser bercer de musique dans un nuage de ganja. Bless est prêt à le suivre dans l’aventure. Ils envisagent d’ouvrir un coffee shop (au sens café, pas hollandais du terme :-)). Mais Kokrobite en possède déjà plusieurs. En revenant ravis de notre petite excursion, l’idée de créer une petite agence d’excursions touristiques germe progressivement. En effet, contrairement aux coffee shops, Kokrobite offre peu de possibilités de bouger dans la région, surtout qu’il vaut mieux être accompagné d’un local. Sam et Bless débordent de motivation mais sont un peu perdus, ignorant totalement comment s’y prendre pour organiser une excursion - alors qu’ils nous l’ont naturellement fait le jour même, malgré quelques petits bugs à l’africaine (genre 2 heures d’attente pour les vélos, ou un capitaine de barque qui disparait subitement :-)). Le nom est vite trouvé en jouant un peu avec leurs prénoms : Sam bless Ghana Tours. Pas à pas, pendant les jours suivants, nous répondons à leur questions, en essayant un maximum de leur présenter certains détails qui risqueraient de déplaire à leurs futurs clients, ou les bases d’un calcul de forfait maximisant les bénéfices par rapport aux frais. On se rend vite compte de l’importance de l’éducation, lorsque tout ce qui nous semble tellement aller de soi est loin de l’être pour eux. Le projet se met en place de jour en jour. Ils trouvent même leurs premiers clients en la personne de nos nouveaux voisins de bungalows. Pour fêter ça, Sam et Bless nous invitent à diner dans le cabanon de Sam et nous concoctent un délicieux riz sauce aux tomates et légumes, avec les épices locales (en quantités respectant nos papilles européennes !).


Bilan de leur premier contrat: 2 touristes satisfaits et 9 euros de bénéfice total, à se partager en 2. Pas mal quand on sait que leur salaire mensuel moyen actuel est de 50 euros. Et de nouveaux clients pour demain, et ce sans même démarcher. Phil et moi quittons Kokrobite avec une boule d’espoir dans le ventre, même si nous nous rendons bien compte que c’est loin d’être gagné. A notre départ, Sam commence à construire un tableau à afficher à l’entrée de son cabanon, car il est loin d’avoir un tempérament à harceler les quelques touristes passant par là, ce qui est tout à son avantage selon nous.

Mais, même si nous avons du mal à quitter Kokrobite, notre départ est loin d’être un au revoir : nous p
renons la direction d’Accra, où nous devons les retrouver le lendemain pour un festival populaire célébrant les jumeaux. Tout Accra est dans la rue et forme une foule compacte au milieu de laquelle trottine chaque famille comportant de vrais ou de faux jumeaux. Pour chaque famille, un porteur d’eau porte une bassine remplie de l’eau avec laquelle les jumeaux ont été purifiés, et les feuilles d’un arbre sacré. Ils courent, parfois dans un état de transe, traversant la ville en portant cette bassine et encouragés par le reste de la famille qui trottine derrière en chantant. L’ambiance bat son plein, les gens mangent, boivent, dansent, chantent, acclament les familles qui défilent. C’est très intense. Au fur et à mesure qu’on avance dans le festival, la foule s’épaissit, les mouvements de foule se font de plus en plus forts, et les gens deviennent plus saouls et intrusifs, parfois légèrement agressifs à l’égard des obronis que nous sommes. Heureusement Bless et Sam sont là pour jouer les gardes du corps. Complètement éreintés, nous quittons le festival à la tombée de la nuit, et nos 2 nouveaux amis pas la même occasion.

Nous quittons ensuite Accra pour nous diriger vers Cape Coast. Dans le bus qui nous y emmène, je suis surprise par les paysages. Une fois qu’on quitte l’immense marché urbain qui entoure la ville d’Accra (soit après 50 bons kilomètres), le Ghana est en fait un pays très vert en cette fin de saison des pluies : les routes sont bordées par d’épaisses forêts tropicales et des campagnes plantées de bananiers, de palmiers, de bambous.

Nous r
encontrons Claudia et Radec, un couple de polonais, et Kim et John, des américains revenant de 2 ans dans les Peace Corps, et visitons Cape Coast et ses environs tous ensemble. Cape Coast est une ville balnéaire qui fut le siège de l’envoi de millions d’esclaves vers les Amériques. Nous visitons son fort, dans les donjons duquel étaient amassés les esclaves avant leur départ en bateau, s’ils survivaient aux inhumaines conditions de leur détention. Ils étaient entassés par centaines dans ces donjons trop petits, sur le sol desquels s’amoncelaient jusqu’à 50 cm d’excréments au fur et à mesure de leur détention. Dégoutés par ce qu’un homme peut faire à un autre homme. Une fois de plus.


Le lendemain nous visitons le Kakum National Park et ses plateformes et ponts suspendus à 40 m de haut, au dessus de la canopée. Comme des singes, nous y observons la forêt tropicale humide de haut. Grandiose, nous serions bien restés sur ces plateformes pendant des heures durant !







Akwaaba au Ghana

AOÛT 2010

Bonjour à tous,

On est bien arrivés au Ghana, et on se plonge progressivement dans le rythme et l’ambiance africaine. Notre premier jour en Afrique, nous l’avons passé à Accra, capitale
frétillante, souriante et un peu sale et puante du Ghana ; les rues de terre/ poussière (et parfois de bitume) sont bordées de petites échoppes colorées vendant principalement de la bouffe et des crédits GSM. Des petits braseros brulent un peu partout. Des mamas se baladent nonchalamment, un panier sur la tête et un bambin en écharpe. Le Ghana est un pays où les gens s’en sortent relativement bien au niveau économique : même si ce n’est pas le grand luxe pour eux, nous n’avons pas vu de misère extrême ici. Les gens sont relativement souriants, et même si on est les seuls blancs dans le marché central bondé, on passe relativement inaperçus, hormis quelques regards curieux, mais rarement hostiles. Après une balade au marché, on se rend compte avec horreur que Phil a oublié le code de sa carte visa… ces blonds quand même ! oups, ca pourrait sérieusement nous poser problème. Heureusement qu’on a la mienne et que sa banque est assez cool pour lui en fournir un au plus vite, il règle ca rapidement. Lors d’un petit arrêt pour déguster des beignets à la patate douce à un stand de rue, je rencontre Martine, une burkinabée de passage dans sa famille maternelle vivant au Ghana, qui me présente le reste de sa famille au fur et à mesure de leur arrivée guidée par la curiosité (et peut être l’appât du gain potentiel)… on se rend vite compte qu’en fait, aucun d’eux n’a d’obligation professionnelle ce jour là. Cela représente bien le haut taux de chômage de cette ville : ils font tous plusieurs petits jobs en fct des possibilités, mais sans aucune sécurité de l’emploi. Robert, le frère de la tante de la cousine de Martine (ou un truc dans le genre ;-) propose de nous accompagner et de nous montrer les points forts d’Accra. OK, c‘est parti. Il nous emmène au marché artisanal local, où se retrouvent des artistes variés, tels que de petits ébénistes et des joueurs de djembé passionnés. Un petit groupe de curieux (et d’intéressés par les comms aussi) se constitue progressivement autour de nous, et on finit dans une case en tôle pour une cession improvisée de djembé. Malgré la chaleur du jour, ils se déchainent sur leur instrument, et entrent dans une sorte de transe passionnée. Ils ressortent de leur transe ruisselants de sueur. Franchement impressionnante cette démonstration. On finit la journée par une balade sur la plage et au port de pêche, des endroits franchement peu recommandables qui ne nous seraient pas accessibles sans la présence de Robert et de son frère Emmanuel qui s’est joint à nous. Je lis la frustration et le regret dans les yeux de Phil face à tant d’images dignes du National Geographic: le matin même on avait décidé de ne pas prendre nos appareils photos histoire de tâter le terrain.
On finit la journée en mangeant un bout dans un resto local avec les 2 frères.

La préparation du voyage ayant été relativement rude (en plus des fêtes de départs ;-), on avait décidé de commencer le voyage par une petite semaine de repos dans un lieu calme. Nous voilà donc partis pour Kokrobite, un village de pêcheurs avec une plage de sable fin bordée de c
ocotiers à 32 km d’Accra. Kokrobite abrite une académie de drums et de danse africaine, et pourrait être décrite comme un morceau de Jamaïque implantée en pleine Afrique. Les yeux embrumés et le sourire béat, des Rasta men déambulent dans ses rues calmes, dans un nuage de fumée de marijuana, te saluent d’un « rasta fara, hi my lord ! » et te topent le poing chaque fois qu’ils te croisent. Dans les couleurs locales verte, jaune et rouge, au son des djembés, Bob est considéré comme un dieu à Kokrobite. La plage est jonchée de bateaux de pêcheurs et de vendeurs ambulants.
On passe plusieurs jours à se reposer dans ce havre de calme, à lire des bouquins en sirotant une noix de coco, assister à des danses locales sur des airs de
djembé, regarder les pécheurs et jouer avec les petits gosses locaux. On loge dans un petit cabanon au milieu d’un joli jardin, et on est réveillés à l’aube par les hurlements des oiseaux (qui a appelé ca des chants nom di dju ???? J) et je découvre en riant le luxe du trou et de la « bucket shower » qui je crois ne nous quitteront plus d’ici notre bref retour en Europe dans 4 mois.

Bref, tranquilles en Afrique Man !