Nous rencontrons à Kokrobite 2 rasta men, Sam et Bless, qui tiennent chacun leur petit co
mmerce face au Kokrobite Garden où nous logeons. Ces 2 gars ont fait du Rastafari leur religion, devenant végétariens en tressant leurs dreadlocks, et vivent de respect, d’amour, d’eau fraiche, de musique et de ganja. Et sûrement de pas mal de débrouille. Ils sont la bonté et la douceur incarnées, et probablement aussi un peu l’inertie liée à l’abus de fumette ;-).
Sam, 32 ans, tient une petite échoppe et vend des masques et des colliers aux touristes. Il a construit son cabanon de ses mains et l’agrandit progressivement, y ayant même rajouté un étage où il dort. Co
nfort sommaire : pour se laver, il achète 2 fois par semaine un seau d’eau du puits à un voisin plus aisé ; pour aller aux toilettes, il va, comme beaucoup d’autres villageois, «réfléchir sur les rochers». Mêmes choses pour son ami Bless, 27 ans, qui vit dans un réduit de 3 mètres sur 2, situé à côté de la cabane de Sam. Il survit en vendant des poches d’eau potable, récoltant royalement 0.50 cents en en vendant 50. Bref, rien. Pourtant, ce sont toujours les premiers à partager le peu qu’ils ont. Phil et moi nous sentons bien avec eux, sans jamais ressentir une once d’intérêt vis-à-vis de nos portefeuilles d’européens, ce qui n’est pas toujours évident en voyage en pays en développement. Ils se retrouvent dans leur passion de la musique, Bless improvisant des chants sur un air de guitare joué par Sam sur la plage bordée de palmiers. Et ce pendant des heures…
U
n jour, nous louons des vélos et partons tous ensemble découvrir la région. Ils nous emmènent dans un coin de forêt tropicale regorgeant d’oiseaux, d’insectes et, théoriquement, de singes (que nous ne verrons malheureusement pas, vu notre heure d’arrivée un peu trop tardive). Nous partons ensuite avec eux pour un trip sur un bateau de pêcheurs sur une zone de mangroves et de lagons, regorgeant d’oiseaux et exploitée par les pêcheurs du village voisin. Nous faisons u
n petit arrêt au village, et découvrons leurs maisons construites de branches et feuilles de cocotiers. Juste le temps pour jouer avec les gosses du village sur la plage séparant la rivière de l’océan.
Sam voudrait réaliser un projet plutôt que de se laisser bercer de musique dans un nuage de ganja. Bless
est prêt à le suivre dans l’aventure. Ils envisagent d’ouvrir un coffee shop (au sens café, pas hollandais du terme :-)). Mais Kokrobite en possède déjà plusieurs. En revenant ravis de notre petite excursion, l’idée de créer une petite agence d’excursions touristiques germe progressivement. En effet, contrairement aux coffee shops, Kokrobite offre peu de possibilités de bouger dans la région, surtout qu’il vaut mieux être accompagné d’un local. Sam et Bless débordent de motivation mais sont un peu perdus, ignorant totalement comment s’y prendre pour organiser une excursion - alors qu’ils nous l’ont naturellement fait le jour même, malgré quelques petits bugs à l’africaine (genre 2 heures d’attente pour les vélos, ou un capitaine de barque qui disparait subitement :-)). Le nom est vite trouvé en j
ouant un peu avec leurs prénoms : Sam bless Ghana Tours. Pas à pas, pendant les jours suivants, nous répondons à leur questions, en essayant un maximum de leur présenter certains détails qui risqueraient de déplaire à leurs futurs clients, ou les bases d’un calcul de forfait maximisant les bénéfices par rapport aux frais. On se rend vite compte de l’importance de l’éducation, lorsque tout ce qui nous semble tellement aller de soi est loin de l’être pour eux. Le projet se met en place de jour en jour. Ils trouvent même leurs premiers clients en la personne de nos nouveaux voisins de bungalows. Pour fêter ça, Sam et Bless nou
s invitent à diner dans le cabanon de Sam et nous concoctent un délicieux riz sauce aux tomates et légumes, avec les épices locales (en quantités respectant nos papilles européennes !).
Bilan de leur premier contrat: 2 touristes satisfaits et 9 euros de bénéfice total, à
se partager en 2. Pas mal quand on sait que leur salaire mensuel moyen actuel est de 50 euros. Et de nouveaux clients pour demain, et ce sans même démarcher. Phil et moi quittons Kokrobite avec une boule d’espoir dans le ventre, même si nous nous rendons bien compte que c’est loin d’être gagné. A notre départ, Sam commence à construire un tableau à afficher à l’entrée de son cabanon, car il est loin d’avoir un tempérament à harceler les quelques touristes passant par là, ce qui est tout à son avantage selon nous.
Mais, même si nous avons du mal à quitter Kokrobite, notre départ est loin d’être un au revoir : nous p
renons la direction d’Accra, où nous devons les retrouver le lendemain pour un festival populaire célébrant les jumeaux. Tout Accra est dans la rue et forme une foule compacte au milieu de laquelle trottine chaque famille comportant de vrais ou de faux jumeaux. Pour chaque famille, un porteur d’eau porte une bassine remplie
de l’eau avec laquelle les jumeaux ont été purifiés, et les feuilles d’un arbre sacré. Ils courent, parfois dans un état de transe, traversant la ville en portant cette bassine et encouragés par le reste de la famille qui trottine derrière en chantant. L’ambiance bat son plein, les gens mangent, boivent, dansent, chantent, acclament les familles qui défilent. C’est très inten
se. Au fur et à mesure qu’on avance dans le festival, la foule s’épaissit, les mouvements de foule se font de plus en plus forts, et les gens deviennent plus saouls et intrusifs, parfois légèrement agressifs à l’égard des obronis que nous sommes. Heureusement Bless et Sam sont là pour jouer les gardes du corps. Complètement éreintés, nous quittons le festival à la tombée de la nuit, et nos 2 nouveaux amis pas la même occasion.
Nous quittons ensuite Accra pour nous diriger vers Cape Coast. Dans le bus qui nous y emmène, je suis surprise par les paysages. Une fois qu’on quitte l’immense marché urbain qui entoure la ville d’Accra (soit après 50 bons kilomètres), le Ghana est en fait un pays très vert en cette fin de saison des pluies : les routes sont bordées par d’épaisses forêts tropicales et des campagnes plantées de bananiers, de palmiers, de bambous.
Nous r
encontrons Claudia et Radec, un couple de polonais, et Kim et John, des américains revenant de 2 ans dans les Peace Corps, et visitons Cape Coast et ses environs tous ensemble. Cape Coast est une ville balnéaire qui fut le siège de l’envoi de millions d’esclaves vers les Amériques. Nous visitons son fort, dans les donjons duquel étaient amassés les esclaves avant leur départ en bateau, s’ils survivaient aux inhumaines conditions de leur détention. Ils étaient entassés par centaines dans ces donjons trop petits, sur le sol desquels s’amoncelaient jusqu’à 50 cm d’excréments au fur et à mesure de leur détention. Dégoutés par ce qu’un homme peut faire à un autre homme. Une fois de plus.

Le lendemain nous visitons le Kakum National Park et ses plateformes et ponts suspendus à 40 m de haut, au dessus de la canopée. Comme des singes, nous y observons la forêt tropicale humide de haut. Grandiose, nous serions bien restés sur ces plateformes pendant des heures durant !
1 commentaire:
Splendide narration et belles images. Ici, c pas l'Afrique, mais le dépaysement est total également. J'essayerai de faire des portraits, aussi croquants que les vôtres.
Keep on.
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