Sur les routes du Togo... "Yovo, Yovo, bonsoir"

13/09/2010

Une fois passée la frontière du Togo, on arrive dans une autre Afrique, une Afrique moins développée, plus lente, plus souriante et très accueillante, et où on parle le français (même si au premier contact, on ne reconnait pas directement que c’est du français, mais si si, c’est bien du français, avec un accent afwicain à couper au couteau ;-) ! Les pancartes bordant les routes passent de la promotion des innombrables types d’églises du Ghana à celles des projets de développement du Togo et de sensibilisation au problème du sida. Ici, on passe du statut d’obroni à celui de yovo. Les enfants qui nous voient passer scandent inlassablement leur petit dicton «Yovo, Yovo, bonsoir », nous souriant de toutes leurs dents blanches et nous saluant de la main, les plus petits se cachant derrière les jambes des plus grands. Notre rasta man Sam inspire ici le même respect qu’au Ghana. Le taxi brousse nous emmène de la frontière à une petite ville calme perdue au milieu des collines verdoyantes et des plantations de café, Kpalimé, à partir de laquelle nous nous dirigeons ensuite vers la capitale, Lomé. Dans ces 2 villes, on fait le tour des artisans locaux, de manière à ce que Sam trouve de nouvelles idées pour diversifier l’offre de son magasin de Kokrobite. On y admire des objets artisanaux en provenance de toute l’Afrique de l’ouest : masques en bois, statuettes, peintures, bijoux, un art magnifique et à bas prix, Phil et moi voudrions tout ramener, mais les sacs sont déjà trop pleins, c’est hyper frustrant. On montre à Sam quel genre de produits sont, selon nous, susceptibles de plaire aux touristes européens et d’une taille raisonnable permettant de les rapporter au pays lors d’un voyage. On rigole beaucoup de sa tendance systématique à s’extasier devant les objets les plus hideux à nos yeux d’européens (non pas que nous nous considérions comme des standards, mais qui voudrait d’une poupée vaudoue criblée de clous dans son salon, ou d’une chaise en bois massif aux accoudoirs sculptés en têtes de monstres ?). On passe ensuite quelques jours à Lomé, capitale balnéaire avec une plage bordée de palmiers et jonchée de bateaux de pêcheurs. Baignade interdite, la mer est bien trop dangereuse ici, avec des courants de fonds vous entrainant vers le large… non qu’on en ait vraiment envie vu le nombre de crottes dans un trou rencontrés sur la plage… ici aussi, la plage fait office de toilette publique et on apprend vite à regarder où on met les pieds. On retrouve ici de nombreuses petites touches françaises, notamment au niveau des menus dans les restos, pour le plus grand plaisir de nos papilles gustatives. Quel plaisir de manger un bon vieux steak sauce au poivre, ou un steak haché avec un œuf à cheval, des frites et du ketchup, ou une mousse au chocolat, et j’en passe, après trois semaines de poulet accompagné de fufu ou de riz. Pour notre plus grand bonheur, il y a aussi du vin ! Phil et moi nous faisons un plaisir de faire découvrir à Sam les mets les plus variés de la cuisine européenne (ce qui n’est pas toujours évident avec un végétarien, la fondue bourguignonne proposée par le resto est exclue ;-). Nous dégottons même un pot de nutella dans un supermarché. On se balade tranquillement dans la ville tous les 3, passant du marché des artisans au centre des artisans, puis à la rue des artisans. On imagine de nouveaux modèles de colliers, dont Sam prend bonne note et qu’il confectionnera à son retour au Ghana. A force d’admirer 1001 merveilles d’artisanat, Phil et moi finissons par craquer, et nous voilà avec une énorme amphore de style malien à trimbaler sous le bras pour le reste du voyage (merci Phil, qui la porte la plus grande partie du temps). On visite le marché des fétichistes tous les 3, un peu ahuris face à tout ce bric-à-brac, des poupées vaudoues, des gris-gris, des pierres de tonnerre, toute la panoplie du féticheur, crâne, tête ou corps d’animaux séchés (et l’odeur qui va avec !), qui leur servent à préparer des potions curatives traditionnelles. Surprenant de savoir que la grande majorité des gens au Togo et au bénin utilisent encore de telles pratiques.
Sonne malheureusement l’heure du retour de Sam vers le Ghana et Kokrobite, nous le raccompagnons à la frontière toute proche et c’est le cœur serré que nous le voyons passer de l’autre côté et disparaître dans la pluie qui se met soudain à tomber… pour 3 jours, durant lesquels nous restons bloqués à Lomé en attente de nos visa pour le bénin, mais, bande de veinards, dans le seul hôtel où nous ayons séjourné offrant le wifi. Nous faisons le plein de news et de bonne bouffe avant de reprendre la route vers le nord du Togo, avec les transports locaux bien sûr. Voyager avec les moyens de transports en communs locaux en Afrique est déjà en soi tout un voyage et une aventure… Que ce soit en bus, trotro, minibus, taxi brousse, on adore voyager avec les locaux, on ne s’en lasse pas malgré le manque de confort assuré. L’aventure commence par le simple fait de démarrer… ben oui, le minibus ne démarre que quand il est plein, plein signifiant ici que le nombre de passagers est environs de 25% supérieur à la capacité du véhicule. Une fois en mouvement, le conducteur roule fenêtre ouverte en braillant sa destination et prend toute personne intéressée par un lift dans cette direction. On se retrouve alors à 25 personnes dans un espace prévu pour 14. On a même déjà démarré à 14 dans un simple break (appelé le 9 places), avec un passager en plus du chauffeur sur le siège du conducteur, et ayant tendance en plus à s’endormir et à laisser son pied s’égarer sur l’accélérateur… ce qui lui a valu de hauts cris de la part du chauffeur. Et je ne vous parle même pas de la surcharge sur le toit ! Voyager local c’est un slalom endiablé du véhicule qui fonce entre les trous, trop nombreux, de la route défoncée… quand c’est une route et pas une piste bien sûr (dans ce dernier cas, le véhicule circule simplement sur la voie des trous les moins profonds). Voyager local, c’est Phil et moi dévorons des yeux les paysages qui défilent, riches en scènes de vie : tout comme le Ghana, le Togo est étonnamment vert en cette fin de saison des pluies : la végétation est luxuriante, riche en plantations de cacao, café, manioc, ignames, maïs … une explosion de vert qui contraste avec le rouge vif de la piste ou des murs des maisons des villages traversés. Les paysages du Togo du sud au nord, c’est aussi un étonnant contraste de paysages, allant de zones de cultures luxuriantes et plates, aux petites collines verdoyantes parsemées de petites cases de terre au toit conique de paille, et montagnes séparant des savanes et des champs. Voyager local, c’est le bus qui fonce dans une bonne humeur bruyante, les passagers qui discutent et donnent leur point de vue, tout le monde s’y met, tous ensemble, ca caquette comme des amis de longue date, nous, on n’y comprend rien, c’est en ewe, la langue locale, mais les éclats de rire ou de voix font plaisir... Si nous ouvrons la bouche pour poser la moindre question, ca donne son avis en français, toujours très gentiment et serviablement, avec un petit commentaire en ewe pour ponctuer le tout, assorti d’un « yovo » (le blanc) qui nous fait savoir qu’on parle de nous… Avec la chèvre qui bêle dans le coffre, coincée entre ou sur un amoncellement de sacs… elle n’a pas intérêt à trop la ramener sinon elle finira sur le toit ! Voyager local au Togo, c’est aussi se faire surprendre par la pluie torrentielle, celle qui te détrempe jusqu’aux os en quelques secondes chrono, et penser « flûte, nous avons oublié de mettre nos sacs à dos dans des sacs poubelles avant de les jeter sur le toit du minibus, espérons que la bâche est bien mise (et elle l’était plus ou moins, ouf ! »). C’est aussi constater qu’il manque une fenêtre au minibus, pas celle de notre côté, bande de veinards que nous sommes, et plaindre les pauvres gens qui se retrouvent détrempés jusqu’aux os en 20 secondes chrono, mais qui conservent leur bonne humeur malgré tout. Ca continue à papoter sans râler et en se cachant derrière un sac de riz vide, essayez d’imaginer ça chez nous ! Voyager local, ce sont tous ces petits vendeurs ambulants qui se précipitent sur le bus au moindre arrêt, au péage par exemple, proposant aux passagers des pommes, des sachets d’eau, du pain, des beignets, etc au travers de la fenêtre. C’est aussi le minibus qui fonce comme un dératé pour dépasser les énormes camions surchargés, faisant route en une traîte du port de Lomé vers le Burkina. C’est aussi la route bloquée par un accident d’un de ces camions, la grue est déjà là pour déblayer, tout le monde y va de son petit commentaire et s’indigne sur les conditions de sécurité routière, « mmmh, bravo Togo » (au Bénin, d’où j’écris cette note, c’est « mmmh, bravo bénin ») puis, une fois la route dégagée, tout le monde courre à son véhicule, précipitation un peu ridicule, comme si 30 secondes de perdues comptaient après la demi-heure d’attente ! C’est la panne quasi assurée de ces véhicules bien souvent vétustes, où, pour ouvrir la fenêtre, on demande au chauffeur la seule et unique manivelle du véhicule, qui passe d’une portière à l’autre. Une aventure en soi, moi je vous le dit, souvent drôle et humaine surtout !
Ce qui est impressionnant dans ce pays, c’est l’accueil que ses habitants mettent un point d’honneur à nous faire. C’est par exemple Félix que nous rencontrons à Atakpamé (notre halte suivante, au nord de Lomé), et qui passe l’après-midi à visiter les villages avoisinants avec nous et à discuter. Ce jeune Togolais, père d’une petite fille de 2 ans, travaille à temps partiel (comme tout le monde en Afrique en fait, les temps pleins n’étant qu’une combinaison de plusieurs petits boulots, mais je m’égare) au service social de l’hôpital de la ville. Il a une intéressante conception de la vie et des responsabilités d’un père et aimerait limiter sa progéniture à 2 enfants, de manière à pouvoir pleinement répondre à leur besoins avec son revenu… et voudrait pour ce faire utiliser les moyens de contraception nécessaire. Assez occidental en soi… Ce qui n’est pas tout à fait au goût de sa femme, plus traditionnelle, et bien décidée à laisser cette décision entre les mains de dieu. Doutes et questionnement : comment développer le pays avec des progénitures de 8 à 12 enfants… C’est aussi Bernard, un ancien professeur qui s’est recyclé dans la rénovation de vieilles Vespa, et qui est bien décidé à nous faire faire la tournée de tous les bars d’Atapakmé… C’est aussi Mamoul, que nous rencontrons à Kara, dans le nord du Togo, et qui nous invite à rencontrer sa famille et venir manger la pâte à l’ombre du manguier dans la cour de sa maison en papotant… Nous découvrons cette ville à forte majorité musulmane en sa compagnie. En ce dernier jour de Ramadan, ses habitants s’apprêtent à célébrer l’événement… vêtements de cérémonie, femmes aux voiles de couleur et pailletés, enfants aux yeux peinturlurés de khôl, c’est beau, c’est coloré, ca brille, on adore ! Mamoul nous emmène même à l’église le dimanche… chants gospels et sermons sont au programme, une expérience sympa, même si le sort de chacun est un peu trop dans les mains de dieu à mon goût. Ce sont aussi tous ces Togolais, toujours heureux de faire goûter et partager le tchoukoutou, bière de mil locale que les mamas servent au bord de la route dans une demi-calebasse.
Bref pleins de rencontres dans ce petit pays très accueillant et, nous le constatons au final, sans appât du gain, en dépit de notre méfiance initiale toujours présente, et dont nous tentons d’apprendre progressivement à nous défaire. Pas évident dans une région où, pour la majorité des gens, la peau blanche représente avant tout l’argent et la possibilité d’obtenir un visa pour l’Europe… Si les gens ne me demandent pas 15 fois par jour de les ramener en Europe, c’est peu…L’Europe, ce beau pays lointain où l’argent semble pousser sur les arbres… mais c’est un autre débat, pour une autre fois promis. Un petit pays pas très touristique, mais riche de ses habitants tellement accueillants, ses marchés colorés avec des avocats et des ananas gigantesques, une nourriture « riche » (en huile de palme, ca on peut vous l’assurer), et un (et un seul) semblant de spot touristique en pays tamberma avec ses maisons fortifiées, les tatas.. Un petit pays que nous quittons par le nord-est pour tracer notre route vers le bénin…



Et comme avec les photos, c'est mieux:
http://www.facebook.com/album.php?aid=214088&id=591557223&l=9a19bd46fb

1 commentaire:

Unknown a dit…

Salut les voyageux....
Quelle splendide narration, que d'images textuelles. Merci Julie de me permettre de jouir de vos expériences. J'espère que tu lis ce commentaire. Tu sauras ainsi que tu n'écris pas pour rien. Je vous envie, à la limite et si je peux me permettre, moi qui vit une autre aventure dans un autre monde...
Vive les voyageurs.

"Tout devoir dire une autre langue que celle de sa mère, c'est ça le voyage", n'est-ce pas??

A+

Eddy